Piano Girafe

Fruit de volonté et de hasard fantasque, l’idée de réaliser un Piano Girafe a fini par s’incarner dans mes ateliers ces dernières années.

La Girafe, comme je l’appelle affectueusement, instrument lié au monde animal et végétal et voué à une expression spirituelle, vient de loin, de la fin des années 1820. 

Ce n’est certes pas le premier instrument à claviers verticaux à avoir existé – bien avant le XIXème siècle, le clavecin vertical s’appelait Clavicitherium, et existaient aussi pianos armoire et pianos Lyre.

Et la Girafe alors ? L’histoire est cocasse.

En 1827, Mehmet Ali, officier ottoman gouverneur d’Egypte, adresse à Charles X un cadeau singulier : la première girafe, encore girafonne, à poser le sabot sur le sol français. Son débarquement remarqué à Marseille, son voyage jusqu’à Paris en compagnie d’une escorte et de deux vaches dont elle buvait le lait, enfin son arrivée à la capital provoquèrent à l’époque une véritable girafomania dans les journaux, dans les gravures, dans le mobilier, sur la vaisselle et même dans les coiffures de femmes ! Les pianos verticaux ont alors intégré la forme de la tête de la Girafe en un arrondi qui a, par un extraordinaire hasard, la faculté de favoriser le libre mouvement de la table d’harmonie dans les basses, donc de les améliorer. Elle possède, comme le piano droit, un ensemble d’harmonie à la verticale tout en conservant un cordage aussi long que celui d’un piano à queue.


piano-girafe

Toujours dans l’idée de refuser le diktat de la puissance imposé aujourd’hui aux fabricants de pianos, j’ai tenu à atténuer le volume sonore de ce piano-girafe en drapant la table d’harmonie dans un tissu. Néanmoins, je n’altère en aucun cas la présence du son de ce piano. Surplombé par la table d’harmonie verticale, le pianiste se retrouve entièrement enveloppé, entouré de toutes parts par le son. Il est ainsi tout à fait possible de jouer piano sans rien perdre de la pureté et du caractère du piano.

L’autre grand intérêt de ce piano-girafe, c’est qu’il permet de retrouver les avantages d’un cordage de piano à queue dans un espace réduit. Très pratique, surtout en milieu urbain. Aux ateliers, nous réfléchissons d’ailleurs à une possible inclusion de ce type de piano-girafe sur le marché japonais.

La taille de l’instrument, ainsi que la préférence pour la présence sonore plutôt que pour la puissance sonore en font un piano idéal pour jouer dans des petites pièces à faible insonorisation.

Philippe Joly et sa dernière création, un "piano girafe" ©Radio France - Louis-Valentin Lopez

©Radio France – Louis-Valentin Lopez

De la construction de la Girafe

Ces quelques pages racontent l’histoire d’une idée qui s’incarne. Le récit d’un long cheminement aux origines multiples qui parvient à la réalisation : “l’exaucement”.
Ce fut le fruit de volonté et de hasard partant d’une lubie qui finit par laisser naître un objet, une chose, un instrument lié au monde animal et végétal et voué à une expression spirituelle : faire exister de la musique. On pourrait dire que c’est l’histoire d’un enracinement et d’une floraison. L’exaucement (mélodie de Fauré), c’est le bois et le fer qui deviennent son et musique dans une relation fatalement cosmique puisque gouvernée par la Géométrie.
Cette histoire, c’est celle de la fabrication d’un nouveau piano girafe. Je vous invite à la découvrir en ligne ici.